Dès le début de sa création, en 1997, l'ensemble FORMANEX s’est intéressé à la production de nouvelles formes musicales dans la musique contemporaine. En ce sens, il s’inscrit dans la continuité de l’histoire de la musique expérimentale.
Formanex est composé de trois membres actifs, chacun venant d’horizons musicaux différents : la musique électroacoustique, la musique improvisée, l'art sonore et les musiques expérimentales, la poésie sonore, le punk rock, la noise et le jazz. Le travail initial de Formanex se situe entre l’improvisation et la composition à partir d’éléments graphiques. Deux des membres, alors étudiants en école d'arts, amènent dans l’ensemble une réflexion et une démarche de création à la frontière de la musique et des arts plastiques. L’influence de la musique électroacoustique et des arts plastiques conduit les membres de Formanex à développer un travail de spatialisation pensé en termes d’intervention-performance dans une situation donnée.
La croisée de ces différentes approches engage une mutation radicale du parc instrumental au cours des premières années de formation de l’ensemble. En retour, cette mutation ouvrira de nouvelles voies artistiques. Là est un premier aspect important du groupe, l'instrument ne s'impose plus au musicien, mais le musicien adapte, invente, construit son instrument selon les besoins de sa pensée musicale.
Le travail engagé en 2000 par deux des membres de l’ensemble avec le musicien KEITH ROWE (fondateur du groupe de musique improvisée AMM) leur permet de découvrir un élément déterminant pour l’évolution du quatuor : «TREATISE » (traité musical), composition graphique de CORNELIUS CARDEW. Cette partition, concentrant des réflexions proches de celles qui sont développées jusqu’alors par FORMANEX, deviendra l’objet de recherches durant plusieurs années.
Parallèlement à ce travail d'interprétation du “TREATISE”, FORMANEX s'interroge sur d'autres manières d’utiliser le langage et l’écriture musicale. Après avoir parcouru quelques figures marquantes du XXe siècle (Cage, Cardew, Wolff, Brown, Feldman, …) c'est en compagnie de proches compositeurs que le groupe continue ses recherches. Ainsi FORMANEX invite des compositeurs contemporains, dont l’écriture se situe à la croisée de démarches musicales différentes (entre écriture traditionnelle, écriture graphique, écriture programmatique..etc) et leur propose une partition ou un projet musical pensé et élaboré en fonction des membres et de l’instrumentarium propre à l’ensemble. Chaque proposition de compositeur implique des rencontres et un travail en commun avec FORMANEX.
En 2001, le compositeur français KASPER T TOEPLITZ écrit “DEMONOLOGY #11”. La proposition de Formanex l’amène à modifier sa manière propre de composer.
En 2002, le compositeur français JEROME JOY, avec sa pièce [picNIC] bouleverse la position traditionnelle du compositeur, de l'interprète et du public par une écriture musicale qui ne se pense plus en termes de partition mais en termes de programmation (à partir des possibilités de composition ouvertes par l’outil informatique).
Le projet artistique de Formanex consiste à explorer d’autres possibilités de production et de présentation de la musique dans des lieux traditionnellement dédiés à la forme concert. C’est pourquoi les concerts/interventions de FORMANEX ne font plus forcément et uniquement figures de concerts mais d'installations, de performances ou d'actions. De plus, les membres du groupe, au nombre de 3 à la base, peuvent être 2, 5, 6, 7…etc suivant le type de projet. Le compositeur devenu membre et intégré comme une partie du groupe, brise ainsi toute forme hiérarchique
Cet “ensemble à géométrie variable” voyage, rencontre, se confronte et se nourrit de ces expériences permettant d’offrir à chacun des perspectives nouvelles pour entendre, voir et comprendre ce que peut être la musique au XXIe siècle.
est le projet d'une commande par l'ensemble Formanex au compositeur Jérôme Joy
Ce projet repense la place du compositeur et des musiciens dans la chaîne de production musicale d'une manière tout à fait singulière. Jérôme Joy travaille depuis de nombreuses années sur l'utilisation des outils numériques dans la production de la musique. Il produit des micro-systèmes économiques dont l'échelle, au lieu de concerner un groupe humain ne concerne qu'un individu ou groupe fini d'individus. Lorsque Jérôme Joy fait intervenir des instrumentistes dans la réalisation de ses projets, ceux-ci se retrouvent mis en situation de se voir retirer leur consommation par eux-mêmes de leur propre acte de production. La situation dans laquelle il met l'instrumentiste et peut-être, plus largement, le musicien, s'est affirmée comme étant une donnée fondamentale du travail du compositeur. Ainsi on peut dire que Jérôme Joy ne compose pas tant des partitions en tant qu'indications de choses à exécuter, que des situations dans lesquelles les instrumentitstes se trouvent eux-mêmes en train de construire. Ainsi, plutôt que d'écrire une partition que les membres de Formanex auraient à interpréter sur leurs machines à son, il est parti de la composition instrumentale de l'ensemble (dispositifs électroniques et ordinateurs) pour proposer une forme de composition qui intègre les nouvelles données mises en oeuvres par ces outils : un programme. Jérôme Joy a construit, avec l'aide de Fabrice Gallis, un programme informatique qui fonctionne comme membre à part entière de l'ensemble, un membre qui peut exister de manière autonome par rapport à ses propres créateurs. Mais ce membre a un rôle particulier : il ne se situe pas au même niveau que les musiciens car il exerce sur eux un contrôle. La proposition du compositeur consiste à intercaler entre des instrumentistes et l'apparition sonore du résultat de ce qu'ils produisent un dispositif de traitement et d'aiguillage des quatre sources sonores. Ce dispositif, spécialement développé pour le projet, consiste en un ordinateur muni d'interfaces et autres périphériques de gestion du son, qui va redistribuer dans l'espace et dans le temps, selon un comportement difficilement prévisible, ce que chacun des instrumentistes produit sur ses propres machines personnelles. Le processeur de gestion du son prend ici la place du chef d'orchestre, dans le sens où il canalise les sons des différents instrumentistes dans un ensemble. Mais ce chef d'orchestre agit de façon aveugle et irresponsable (il n'est qu'un robot), mettant les instrumentistes dans une situation dans laquelle ils n'ont plus personne contre qui se rebeller, où la situation de rébellion serait un non-sens. Il s'agit pourtant de développer une proposition subversive par laquelle la présence des instrumentistes puisse se révéler. Mais vu que le système dans lequel se retrouvent pris les instrumentistes se révèle être un démonteur des recettes habituelles de musicalité cette proposition ne peut se faire que par l'invention, par une surprise totale autrement dit, un déplacement, une attaque oblique, décalée parce que inconnue du système de contrainte. Ainsi, dans picNic, le compositeur n'est plus le sujet qui délimite un espace de maîtrise et le chef d'orchestre n'est plus celui qui commande à une série d'individus. Le système se révèle être encore plus “pervers”. La figure du compositeur et celle du chef d'orchestre se confondent dans celle d'un savant fou inventant un être-machine capable de contrôler des individus. picNic fonctionne comme un dispositif de contrôle. A travers ce projet, Jérôme Joy a eu l'intuition de ce qui se profile aujourd'hui derrière la sacralisation des technologies numériques : une « société de contrôle » . Non plus un chef identifiable qu'il suffirait de décapiter, non plus des structures de production hiérarchisées et closes sur elles-même, mais toute une série de dispositifs de contrôle qui déterminent et construisent les possibilités d'action des individus. La création du projet picNic au festival Résonnances du Théâtre Athénor en juin 2002 fut une expérience très singulière, tant au plan musical qu'au plan politique. Une expérience singulière et importante parce qu'elle opérait sous les yeux du spectateur la relation entre art et politique. Autour d'une grande table ronde : d'un côté, les musiciens de Formanex et leurs dispositifs instrumentaux, en face, Jérôme Joy et Fabrice Gallis. Les deux derniers se concertent à voix basse et redéfinissent en direct des mécanismes du programme picNic. Les musiciens jouent, mais se sentent dépossédés de leur propre production par picNic qui sélectionne et redistribue les sons selon un ordre indéterminable. Alors ils commencent par se concerter aussi entre eux, ils se passent des petits mots sur papier pour coordonner leurs actions : ils se constituent en résistance. La production musicale devient indissociable de ce processus, de ce conflit entre l'homme et la machine. Il devient difficile de dire s'il y a orchestre, mais une nouvelle forme d'organisation collective, une nouvelle chaîne de production se dessine qui déplace et rejoue les figures de l'orchestre selon les nouvelles données introduitent par la machine. Les systèmes que Jérôme Joy met en place sont très contraignants, autant sans doute que les systèmes ayant traditionnellement cours dans la musique savante occidentale. En cela ils se différencient radicalement, et s'opposent, de fait, à toute une partie des tentatives actuelles de création musicale qui contournent la question de la contrainte. Cependant, là où le système, savant, de la musique “savante” pose des impératifs pré-définis en terme de résultat, les systèmes contraignants de Jérôme Joy se font soudain très discrets. Les instrumentistes, plus largement, les personnes prenant à charge de réaliser ses oeuvres, se retrouvent démunis d'indications quand au résultat qu'ils ont à obtenir. Et pour cause : il n'y a pas de telles indications. En cela les propositions du compositeur sont nettement expérimentales : sytèmes de contraintes instaurées non pas dans le but d'un résultat à atteindre mais simplement “pour voir”. Les compositions de Jérôme Joy ne fonctionnent qu'en tant que champ de découverte. Ce positionnement subvertit la géométrie communément en place dans le système politique appliqué à la musique savante, et qui se révèle être un jeu à double sens entre dominants et dominés. Car les instrumentistes, aux ordres du chef d'orchestre, demandent intrinsèquement à une composition de conduire leurs compétences, voire de les mettre en situation dominante au sein d'un groupe de dominés, pour ce qui est des solistes en l'occurence. L'espoir secret des instrumentistes (secret tant vis-à-vis d'eux-mêmes que des autres et du public) est de se voir attribuer l'origine de la totalité d'un résultat. Dans picNic, l’espace d’inscription de la pratique artistique est matérialisé : le dispositif de représentation devient dispositif technique matériel. L’espace d’inscription de la pratique apparaît comme produit d’un découpage technique : l’espace est produit, il est le résultat d’une production. Le dispositif technique combine une série d’opérations d’écriture, écriture d’opérations, de manière de découper et d’organiser l’espace. Le dispositif est produit par un acte, mais il peut s’autonomiser de cet acte et prendre une existence qui encercle et contrôle l’acte qui l’a créé. Du fait de la matérialisation du dispositif technique, la situation se renverse par rapport à l’orchestre traditionnel. Le dispositif de représentation qui traditionnellement organise la forme orchestre opère par une négation de l’espace réel (l’espace des pratiques) au profit de l’espace abstrait (la partition). Ici, c’est le processus strictement inverse qui est à l’œuvre : l’espace réel n’est pas nié mais surdéterminé et quadrillé de contraintes physiques qui orientent et organisent chaque geste de l’artiste. La marge de manœuvre qui existait dans le système précédent, et qui était rendu possible du fait de la distance entre l’espace réel et l’espace abstrait, est ici annihilée. L’artiste risque d’être réduit à n’être plus qu’une source de production sonore. picNic est un dispositif de type totalitaire. C’est pourquoi le projet picNic n’a de sens artistique qu’à partir du moment où les artistes qui s’y confrontent rentrent en résistance. C’est l’acte de résistance qui donne sens dans le non-sens totalitaire. “Société de contrôle” : voici une des possibilités ouvertes par le développement technique-technologique. Peut-être y a-t-il d'autres possibles ?
URLS :
soon documented
FORMANEX - LIVE IN EXTRAPOOL (CD by Fibrr Records)
Last week I had the pleasure to see a four piece group from France called Formanex. They played at Extrapool, the small stage here in Nijmegen. About six months ago they also played there, performing various pages from Cornelius Cardew's Treatise. This is a large graphic score of lines, circles, blocks, with no instructions. Formanex are set out to play pieces like this. To do so, they use prepared guitar, percussion, small and found objects and electronics. At the concert last week, they presented a CD with recordings made at the previous concert (and housed in one of Extrapool's fine printworks, since they have printing studio too), which I sadly missed. Something which I regret very much. It's hard to say wether Formanex fully improvise their music, which I find hard to believe. They rely on a score and have surely discussed among them how it should be played. With such open scores as Treatise, it's impossible to say if the performance is 'rightly' performed or not. Comparing concert and CD, I am bound to state that Formanex master their skills very well. Ranging from soft passages to very loud ones, drones andloose end sounds sitting next to eachother as opposing contrasts, this partly composed, partly improvised recording is a joy for the ear. The curves they played are shorter then say AMM, which is a comparisation that can easily be made on the fact that Cardew was a member and the almost identical set up, who seem to take much more time to develop throughout a piece. Maybe Formanex, who could have been the children of AMM members, are influenced by zapping in front of a television? (FdW?) - Vital Weekly
more soon
soon all the archives